Le Jardin Permaculturel




De l’importance d’une autosuffisance alimentaire : 

       Etre autosuffisant alimentairement signifie ne plus importer la nourriture dont nous-mêmes, nos plantes et nos animaux, avons besoin. Derrière cette définition très simple se trouvent des implications cruciales en termes de santé humaine, d’écologie et de conscience communautaire. 


Les systèmes de production et de distribution alimentaire actuels approvisionnent le Monde entier en suivant les mêmes modes de fonctionnement :
- La sélection (et parfois modification génétique) de quelques espèces et variétés, permettant de produire la masse alimentaire la plus importante possible en un minimum de temps, sans considération de qualité nutritionnelle. Les produits ainsi réalisés, et les comportements alimentaires qu’ils développent, ont des effets très néfastes sur le corps humain : addictions, diabètes, obésité, allergies, intolérances…
- Une production de masse, mécanisée et renforcée par des intrants chimiques (insecticides, antibiotiques, engrais). Cette dernière conduit à l’appauvrissement drastique des sols, la pollution des nappes phréatiques, le rejet de déchets extrêmement polluants dans les cours d’eau naturels et l’océan, la non-considération des animaux élevés, la libération massive de gaz à effet de serre, l’irrigation intensive et l’extermination de centaines d’espèces d’insectes, créatures marines (pêche de masse) et autres formes de vie.
- Une dépendance très lourde au pétrole à toutes les étapes des chaines de production et de distribution (véhicules et machines à moteur, matières premières pour la production d’engrais et de pesticides, réfrigérateurs, emballages). 


L’agriculture industrielle et la mondialisation de la distribution alimentaires sont également responsables d’une érosion des communautés autour du monde. Là où l’on pouvait auparavant obtenir ses légumes, sa viande, son pain, ses œufs ou son lait auprès de ses voisins, il est à présent la norme de se rendre au supermarché. Les petits producteurs et artisans ont souvent fermé boutique face à la concurrence des multinationales de l’alimentaire. L’identité gastronomique et la cohésion sociale d’un village ou d’une région peuvent entièrement disparaître. 
Non résiliente car dépendante du pétrole, destructrice et très loin d’être écologiquement durable, l’industrie alimentaire offre une fausse abondance. Les supermarchés clament à grand renfort de publicité leur offre du ‘’tout ce dont vous avez besoin, accessible à tout moment’’. Mais est-ce vraiment le cas ? Avons-nous besoin d’être privés de notre choix ? D’avoir pour seule alternative alimentaire des produits standardisés, sur-emballés, génétiquement modifiés, fabriqués en masse en utilisant des composants toxiques ? La possibilité de manger des fruits exotiques, du thon ou des fraises toute l’année vaut-elle le prix que paient notre atmosphère, nos océans, nos communautés, nos paysages, nos corps ?
 La réponse que nous avons choisie est : non. "Cultiver son jardin est un acte de résistance" a dit Pierre Rabhi. Nous avons consciemment décidé d’assumer la responsabilité de notre alimentation. Ne pas déléguer sa production alimentaire signifie avoir le choix. Le nôtre est celui d’une agriculture qui respecte, intègre et protège l’environnement, du développement d’un réseau local de producteurs-consommateurs, et d’un régime alimentaire en accord avec les denrées produites à chaque saison sur notre territoire. Nos méthodes agricoles sont manuelles au maximum, nos animaux vivent en plein air, et nous n’utilisons aucun composé chimique.  


La conception du lieu :  


Notre jardin est permacole, ce qui signifie que sa conception a débuté par l’observation. Nous avons prêté attention à la topographie, au type de sol, au cycle de l’eau, au vent. Nous avons étudié les espèces vivantes déjà présentes sur le terrain et les espaces adjacents, ainsi que leurs interactions. Nous nous sommes informés des variations de température et des principales caractéristiques de chaque saison dans la région. Cette phase d’observation se poursuivra, en toile de fond, pendant le reste de notre vie sur ce lieu. Un paysage vivant étant en perpétuel changement, notre but est d’être conscient d’un maximum de ces changements, afin d’adapter l’organisation du lieu et d’optimiser nos interactions avec la biosphère qui l’habite. 
Nos semences sont toutes biologiques, libres de droits et reproductibles, et comprennent des  variétés anciennes, régionales, du terroir ou oubliées. Elles ont plusieurs provenances :


- fournisseurs spécialisés, qui partagent les valeurs de la Permaculture et travaillent selon son éthique.  

- voisins, amis et membres de réseaux de conservation de semences. 

Il est en effet crucial de préserver notre patrimoine de variétés végétales : la diversité génétique de chaque plante est synonyme de plus grandes capacités d’adaptation, de résistance à certaines conditions climatiques ou épidémies, mais aussi d’une plus grande palette de qualités nutritionnelles et gustatives, médicinales ou structurelles (pour la construction ou le tressage par exemple). Diffuser et reproduire les variétés non conventionnelles allie ainsi préservation du patrimoine et résilience.  


Le terrain est divisé en zones centrées autour de notre habitation : au plus proche de nous, se trouvent les éléments avec lesquels nous interagissons chaque jour ; puis graduellement, les zones que nous avons moins souvent besoin de visiter. Chaque élément (être vivant, figure topographique, construction ou aménagement) a sa place et ses rôles à jouer, en interaction avec les autres éléments. Dans le jardin, nous utilisons le principe des plantes compagnonnes 1, les rotations de cultures, favorisons les auxiliaires de cultures, les engrais verts2, plantons des fleurs pour attirer les pollinisateurs… Pas de ‘mauvaise herbe’ ou d’insecte ‘nuisible’ à éradiquer : dans la conception permacole, lorsque chacun des éléments est positionné de manière à ce que les interactions bénéfiques soient optimales, les espèces invasives n’ont pas de place... Ou bien on leur a trouvé une utilité ! 
Il en est de même pour nos ‘’déchets’’ : nos refus alimentaires sont compostés, ainsi que le contenu de nos toilettes sèches. Ces matériaux, riches en azote et en carbone, deviennent de l’engrais pour nos arbres fruitiers ! 
Un tel système demande bien sur un investissement important de notre part.  Cet investissement est majeur, et crucial, dans les premières phases d’implémentation et de vie du système. Il diminue ensuite à mesure que ce dernier tend vers l’équilibre ; cependant, l’interaction quotidienne avec le jardin reste indispensable. Nous sommes des éléments à part entière du système, et en tant que tels nous avons nos rôles à jouer. Nous concevons, apportons notre énergie physique et mentale, notre attention  à chacun des individus végétaux ou animaux peuplant le jardin. Nous passons du temps à observer, préparer, planter, semer, soigner, récolter, et transformer. Nous acceptons également que la terre ne nous appartienne pas, et qu’il nous faille la partager. Nous n’avons pas l’usage exclusif des ressources du terrain : une partie va aux divers êtres vivants avec lesquels nous partageons le lieu, une partie au sol lui-même. Nous choisissons aussi de préserver certaines ressources plutôt que de les exploiter (par exemple, par la création de ruches dans lesquelles nous ne collectons pas de miel, mais qui sont garantes d’essaims en pleine sante, qui prospérèrent et pollinisent leurs alentours). Enfin, nous acceptons de ne pas tout contrôler. Parfois, les résultats obtenus sont très différents de ceux escomptés ou espérés. Nous acceptons de faire partie du système. Nous choisissons de ‘’faire avec’’, plutôt que d’exploiter. Les bénéfices pour l’environnement sont évidents : des sols enrichis et sains, des écosystèmes florissants à la biodiversité élevée, des paysages restaurés et protégés… L’ingéniosité de la Permaculture est qu’elle permet d’atteindre ces résultats tout en offrant aux jardiniers une qualité de vie exceptionnelle.  


Un paysage de ressources :   


En Permaculture, on parle souvent de ‘’paysages comestibles’’. Notre jardin produit des aliments sains, variés et de grande valeur nutritionnelle qui nous permettent de tendre vers l’autosuffisance alimentaire ; mais il fournit aussi bien d’avantage : énergies et ressources matérielles renouvelables, plantes médicinales, purification de l’eau et oxygénation de l’air… L’abondance de ressources, croissante avec les années, est gage d’une excellente qualité de vie. Un paysage permaculturel est un environnement thérapeutique. Notre investissement en tant que part de l’écosystème induit des changements internes, qui guérissent et musclent nos corps, apaisent nos émotions et stimulent nos esprits. La Permaculture facilite l’acheminement vers l’équilibre intérieur autant qu’extérieur.  



1. Le compagnonnage de plantes est la pratique qui associe certains végétaux entre eux pour leur influence bénéfique et mutuelle (aide à la croissance, insecticide ou répulsif naturel…). Voir par exemple « Carrots Love Tomatoes : secrets of companion planting for successful gardening » de Louise Riotte.
2. Les engrais verts sont des plantes éphémères à croissance rapide qui retiennent les éléments nutritifs du sol. On citera la consoude, l’ortie ou le trèfle, les plus connues.




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